Ce jeudi matin 23 septembre 2021, la nouvelle court tous les médias en Haïti et tous les réseaux sociaux: l’envoyé spécial des Etats-Unis pour Haïti, M. Daniel Foote, nommé il y a à peine deux mois, vient de donner sa démission. Dans une lettre cinglante adressée au Secrétaire d’État américain, M. Antony Blinken, M. Foote critique la politique de son pays en Haïti, laquelle ne fait qu’aggraver la crise. Il dénonce l’entêtement des autorités américaines à vouloir poursuivre dans la mauvaise direction au détriment des efforts qui sont faits par les haïtiens pour trouver une solution. Il montre très bien dans sa correspondance que ses efforts comme envoyé spécial de la Maison blanche ont été boycottés et qu’il ne soutient pas l’accord trouvé par l’actuel premier ministre de facto, M. Ariel Henry avec une frange de l’opposition.
Foote a frappé du pied en crachant sa colère et a dit haut et fort ce que de nombreuses personnes disaient tout bas sur la politique de la communauté internationale envers Haïti, menée par le consortium Core Group, sous le leadership des Etats-Unis. De manière voilée, il condamne toutes les élites qui prétendent orienter Haïti, parmi elles les Nations-Unies, les autres représentations diplomatiques sans négliger l’élite politique et économique haïtienne. Il pointe du doigt une mafia qui capture la gouvernance du pays et qui bénéficie de la complicité de la communauté internationale qui ferme les yeux sur la corruption et toutes les dérives auxquelles l’on a assisté au cours de ces dernières années.
Foote a aussi condamné sans réserve la décision prise par son gouvernement de rapatrier, sans considération aucune, des dizaine de milliers d’immigrants haïtiens qui se trouvent actuellement massés à la frontière américaine avec le Mexique, plus précisément au niveau du Texas. «Je ne m’associerai pas à la décision inhumaine et contreproductive des États-Unis d’expulser des milliers de réfugiés haïtiens et d’immigrants illégaux en Haïti, un pays où nos fonctionnaires sont confinés dans des complexes sécurisés en raison du danger que représentent les gangs armés contrôlant la vie quotidienne», assène Daniel Foote dans sa lettre de démission datée du mercredi 22 septembre 2021. Voici la lettre de démission de l’ Envoye Special americain en Haiti.
En effet, la présence de plus de 14,000 réfugiés haïtiens à la frontière du Mexique avec les Etats-Unis et de milliers d’autres dans plusieurs pays de l’Amérique Latine fait aussi la une de l’actualité internationale. L’image choquante de ces gardes frontalières américaines montées sur leurs grands chevaux et qui chassent des réfugiés qui essaient de traverser la rivière Del Rio à la frontière avec le Mexique au niveau d Texas, soulève l’indignation générale dans différents milieux dans le monde. Ce tableau révoltant rappelle celui d’une autre époque, celle de la période d’esclavage où les colons utilisaient les mêmes techniques pour faire la chasse aux nègres.
Ce n’est pas tous les jours qu’un diplomate de carrière de la trempe de M. Foote, s’adresse ainsi à ses responsables. Il faut dire que la situation est grave et cette démission fracassante met à la face du monde l’échec américain en Haïti. L’administration Biden essaie de sauver les meubles et une mission de très haut niveau avec des représentants de la Maison blanche est annoncée pour bientôt.
Quelle que soit la réaction du gouvernement américain face à la démission de M. Foote, elle aura des conséquences sur le positionnement futur des Etats-Unis sur le dossier d’Haïti.
A noter qu’en février 2020, en marge d’une réunion du Conseil de Sécurité des Nations-Unies sur Haïti, des organisations haïtiennes avait déjà réclamé des Nations-Unies une évaluation de sa politique envers Haïti, dont l’échec était patent. Etant donné que le questionnement vient maintenant au sein même du pays chef de file de cette politique, peut-on s’attendre à un repositionnement de toute la communauté internationale par rapport à Haïti ? La société haïtienne, notamment les organisations qui se positionnent déjà pour une recherche haïtienne à la crise, saura-t-elle saisir cette opportunité ?