La reconstruction se fait encore attendre, mais l’espoir est là
Ce 14 août 2022, voici déjà un an depuis qu’un puissant tremblement de terre de magnitude 7.2 sur l’échelle Ritcher avait secoué le Grand Sud d’Haïti. Pour ce premier anniversaire, quelques activités de souvenir ont été organisées ici et là, mais rien de spécial, car les promesses de reconstruction annoncées à grands renforts de publicité n’ont pas été tenues. De l’aide d’urgence a été certes apportée, surtout par des ONG accourues au chevet des victimes. Ces dernières ont bénéficié de nourriture, de distribution de cash, de soins de santé, de quelques appuis pour reprendre leurs activités économiques, notamment dans le domaine agricole et le petit commerce. Mais on est loin de ce grand mouvement de reconstruction du Grand Sud pour mettre en valeur sur de nouvelles bases, le grand potentiel agricole et touristique de cette région afin de changer durablement les conditions de vie d’une population exposée régulièrement à des aléas naturels.
600 millions de dollars avaient été annoncés, suite à une conférence sur l’aide pour la reconstruction du Grand Sud d’Haïti. “ Cet argent n’ira pas aux mains du gouvernement, mais sera géré par chaque bailleur et selon ses propres procédures. Rien n’est encore décaissé et les procédures pour sortir cet argent, apparemment seront longues”, a lamenté en substance le premier ministre de facto Ariel Henri dans un discours ce 14 Aout.
Deux semaines avant la commémoration de ce premier anniversaire du séisme, le gouvernement s’est empressé d’ouvrir à la circulation un pont provisoire inachevé jeté sur la rivière Grand-Anse, à l’entrée de la ville de Jérémie, pour soulager la souffrance de la population et des voyageurs obligés de traverser à gué cette rivière depuis le tremblement de terre qui avait fortement endommagé l’ancien pont. Malgré les imperfections clairement visibles de cette infrastructure, les habitants de la Grand’Anse (Sud-Ouest d’Haiti) se sentent soulagés de ne plus devoir attendre la décrue de la rivière en période de pluie pour la traverser.
Après le tremblement de terre, des ONG ont fait quelques interventions, mais elles restent très limitées, vue l’ampleur des besoins et elles ne touchent pas les problèmes structurels. “De nombreuses personnes vivent encore sous des bâches dans leurs cours ou chez des amis, parce qu’elles ont perdu leurs maisons et sans un programme d’accompagnement, elles ne savent pas quand est-ce qu’elles pourront les reconstruire”, nous a confié un membre du Conseil d’Administration (CASEC) de la 3ème Section Communale Haute Guinaudée, Jérémie.
Le séisme a contribué à appauvrir davantage la population paysanne de la Grand-Anse qui avait du faire face quelques années auparavant à la violence de l’Ouragan Matthew. “Nous n’étions même pas encore récupérés des conséquences du
cyclone Matthew qui avait ravagé notre région en Octobre 2016, que le tremblement de terre nous a frappés. Nous avions perdu non seulement des proches, mais aussi nos moyens d’existence, car de nombreux jardins ont été engloutis dans les éboulements de terrains, des espaces cultivables sont devenus impraticables”, a déclaré Pierre Leçon Mécil, un autre membre du CASEC de la 4ème Section de la Commune de Roseaux, qui participait à une conférence sur la localisation de l’aide organisée, dans le cadre de ce premier anniversaire du séisme, par l’ONG britannique Action Aid de concert avec la Commision Agriculture et Environnement (CAEC) de la plateforme d’ONGs (CLIO)[1] et la PADED[2], une plateforme agroécologique,
Cette autorité locale s’inquiète pour la rentrée prochaine des classes, événement qui occasionne généralement de grands débours pour la population qui ne pourra pas cette année payer les frais exigés par les écoles et du phénomène prolongé de l’insécurité à la capitale qui empêche la circulation des biens vers et en provenance du Grand Sud, particulièrement les produits agricoles.
Malgré tout, la population garde espoir que les lendemains seront meilleurs même si elle reste sur le qui-vive en raison des secousses qui se multiplient tous les jours. Selon un bulletin sismique publié le 8 Août 2022 par AGERCA (Alliance pour la gestion des risques et la continuité des activités) et repris par Alterpresse, Haïti a enregistré au cours du mois de juillet 138 séismes allant de 1.3 à 5.2 magnitude sur l’échelle Ritcher et le département de la Grande-Anse a été la région la plus secouée, durant cette période. “Nous vivons tous les jours la peur dans l’âme avec ces secousses répétées. Mais nous commençons à comprendre de quoi il s’agit et grâce aux formations reçues, nous savons plus ou moins maintenant ce qu’il faut faire”, déclaration d’une habitante de Jérémie, principale ville de la Grand’Anse.
Ce premier anniversaire a donné également lieu à des réflexions sur la question de l’aide en Haïti envers laquelle une certaine insatisfaction règne dans le pays tout comme sur la gouvernance de l’Etat. L’expérience successive de besoins d’assistance humanitaire après deux catastrophes majeures, a fortement marqué les populations de la Grand-Anse. Des organisations commencent à s’organiser pour que l’aide soit mieux gérée, dans le respect de la dignité humaine. Intervenant à la conférence sur la localisation de l’aide, une représentante de l’organisation féministe SOFA (Solidarite Fanm Ayisyen) a expliqué comment son organisation appuyée par d’autres groupes s’est mobilisée pour exiger des ONG et des autorités une meilleure organisation des distributions, notamment quand il s’agit de groupes vulnérables. “Comme
organisation faisant la promotion de l’égalité de genre, du droit à la dignité, nous avions partagé avec nos partenaires nos préoccupations sur la façon dont l’aide était distribuée, parfois avec violence pour soi-disant maintenir une certaine discipline. Nous avions porté plainte à la table sectorielle, nous avions monté un comité de surveillance. Et grâce à ces interventions, des améliorations ont été portées”, témoignage de Françoise Innocent, de la SOFA. A la même conférence, une autre femme, Louisianne Nazaire d’une fédération de regroupements de femmes dans la Grand’Anse (OFTAG) a confié que malgré les difficultés de toutes sortes, elle estime que son organisation s’est renforcée dans sa capacité de gestion, parce que les partenaires avec lesquelles elle a eu l’occasion de collaborer dans la gestion de ces crises ont fait l’effort de faciliter une plus grande participation des structures et autorités locales dans leurs interventions.
A rappeler que selon le bilan définitif publié par la Direction de la Protection Civile haïtienne le 4 septembre 2021 pour les trois départements géographiques du grand Sud, 2,248 personnes avaient perdu la vie, 329 sont portées disparues, 12,763 ont été blessées, 53,815 maisons avaient été détruites et 83,770 autres endommagées dans le séisme du 14 Août 2021. Le milieu rural a été la zone la plus affectée dans les trois départements géographiques.
[1] Cadre de Liaison Inter-Organisations
[2] Plateforme d’Agroécologique et de Développement Durable