Au cours du mois de juin 2019, la Mission des Nations-Unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) et le Haut-Commissariat des Droits de l’Homme ont publié un rapport sur le massacre perpétré les 13 et 14 novembre 2018 à La Saline, un quartier populaire de Port-au-Prince.
La publication de ce rapport par des organes de l’ONU est venue répondre à un questionnement que plus d’un ne cessait de se poser à propos de la MINUJUSTH, cette mission des Nations-Unies présente en Haïti qui est censée travailler au renforcement du système judiciaire. On se demandait pourquoi ce silence de la part de cette mission onusienne alors que la tragédie de la Saline avait fait couler beaucoup d’encre et de salives et a été l’objet de plusieurs rapports de la part d’organisations de droits humains en Haïti, telles le RNDDH, La Fondation Je Klere et Justice et Paix, entre autres.
A rappeler que de son côté, depuis la fin de l’année 2018, suite à ce massacre et les premières informations qui faisaient état de plus d’une cinquantaine de morts, la COEH s’était activée, à travers le Comité de Pilotage et les institutions membres, à alerter l’Union Européenne et les chancelleries de leurs pays sur ce grave incident en les encourageant à demander une investigation indépendante avec des instances internationales.
Les informations révélées dans le rapport de l’ONU coïncident avec celles déjà publiées par les organisations de droits humains. Mais elles soulèvent une question fondamentale : celle de l’obligation de tout Etat de protéger tous ses citoyens, quel que soit leur origine sociale, leur sexe, leur religion, leur zone d’habitation…… Le titre du rapport est en ce sens, évocateur : « La Saline : Justice pour les Victimes. L’Etat a l’obligation de protéger tous les citoyens ».
En effet, en lisant ce rapport, il est clairement noté que toutes les institutions de l’Etat dont certaines ont leur siège à proximité du lieu du massacre, n’ont rien fait pour l’empêcher, pour le stopper et pour protéger les gens qui criaient secours. Les explications de la Police sur son inaction, révélées par le rapport de la MINUJUSTH, sont inacceptables. D’un autre côté, des noms de hauts fonctionnaires de l’Etat sont cités et malgré tout, ils demeurent tous en poste et aucune décision n’est encore prise à leur encontre.
Le comportement de l’Etat haïtien après cette stratégie a fait dire à plusieurs organisations de droits humains qu’il s’agit là d’un « massacre d’Etat réalisé avec la complicité des plus hautes autorités». En effet, plus de six mois après, les survivants ne sont toujours pas aidés, les espaces où ont eu lieu le massacre ne sont pas nettoyés et les actions de la justice sur ce grave dossier demeurent encore timides.
La Saline est l’un des quartiers les plus anciens de Port-au-Prince, toujours très marginalisé, dans lequel se trouve l’un des plus importants marchés d’Haïti, et où se brasse beaucoup d’argent. Aujourd’hui, le contrôle de ce quartier et du marché est disputé par plusieurs groupes, certains armés et en connexion avec des politiciens proches du pouvoir.
Le traitement donné au dossier du massacre de La Saline par l’Etat haïtien constitue pour plus d’un un autre indicateur que le système haïtien fonctionne sur la base d’exclusion sociale et qu’il y a lieu de travailler à une réforme en profondeur pour que tous les citoyens et citoyennes soient à tout moment comptés, respectés et protégés.