Colette Lespinasse, la représentante de la CoEH en Haïti, vient de nous informer sur la situation actuelle dans son pays. Elle nous raconte l’histoire d’un pays où le pandémie gagne du terrain tandis que les gens sont laissés à eux-mêmes, sans des actions claires du gouvernement. Voici son histoire :
Ici en Haïti, la COVID-19 gagne du terrain. Nous avions déjà dépassé 1865 cas de personnes contaminées et nous sommes à 41 morts. Vous me direz que ce chiffre n’est pas très important comparativement à ce qui se passe dans beaucoup d’autres pays où l’on compte plus d’un millier de morts par jour. Je suis d’accord. Cependant, nous avions note une progression rapide de la maladie ces derniers jours (presque une centaine par jour) et cela inquiète.
La peur commence donc à gagner les gens. Mais les comportements n’ont pas tellement change. Le gouvernement a fait sortir un décret très critique qui limite beaucoup les libertés individuelles. Dans la pratique, il n’est pas respecté, mais il peut être utilisé à n’importe quel moment pour réprimer. Ce décret risque d’encourager des abus et aussi de la corruption de la part de la Police. D’un autre côté, un grand débat est soulevé entre Médecine traditionnelle/naturelle très pratiquée en Haïti et médecine conventionnelle, depuis que le président haïtien a organisé un show médiatique pour présenter en direct une conversation avec le président du Madagascar sur l’utilisation de l’Artemisia pour traiter le Coronavirus. Encore une fois, il est très critique, car a date, il n’a jamais fait cas de la pharmacopée haïtienne, ni fait appel aux nombreux « médecins feuilles » qui ont des connaissances importantes sur l’utilisation des feuilles. Pour beaucoup de gens, c’est le témoignage du mépris de tout ce qui vient du pays.
Au niveau local, tant bien que mal, les communautés se débrouillent: elles fabriquent des masques, elles boivent beaucoup de thé. Un groupe de médecins proposent une prise en charge communautaire de la maladie. Certaines communautés commencent à travailler dans ce sens pour une prise en charge des cas, mais aussi pour bloquer les actes de stigmatisation et d’attaques contre les malades. Malgré l’avancée de la maladie, plusieurs institutions publiques de sante sont en grève. Plusieurs cas de contamination sont répertoriés aussi dans plusieurs institutions publiques, dont la Police Nationale. L’Etat est comme paralysé.
Entre temps, l’insécurité dans les quartiers populaires bordant le centre de Port-au-Prince s’amplifie. Martissant fait toujours l’actualité avec des morts, des blessés, des incendies. La sortie Nord de la capitale, notamment Cité Soleil, vit la même réalité. Ces incidents très graves sont devenus des faits divers et les appels au secours de la population sans défense vivant dans ces quartiers ne semblent plus émouvoir personne.
C’est dans ce contexte, qu’un autre débat a émergé, celui de la durée du mandat du président de la République. Suite à l’annonce faite récemment par ce dernier que des élections allaient avoir lieu avant la fin de l’année, les gens de l’opposition commencent à questionner son mandat. Pour les gens proches du pouvoir, le mandat se termine le 7 février 2022; pour d’autres, c’est le 7 février 2021.
Demain, c’est le premier juin, début de la saison cyclonique. Selon les pronostics, la saison sera rude. Tout le monde est plonge dans la COVID-19, et on n’a pas encore parle de la saison cyclonique. Entre temps, la période sèche se prolonge. Le mois de mai, traditionnellement, est un mois de pluie et de semailles. Les pluies ont été très faibles pendant cette période, et certaines zones n’en ont pas eu du tout.
Colette Lespinasse