Les défis sont énormes et les attentes immenses
Après la prestation de serment de Garry Conille en tant que nouveau Premier ministre d’Haïti, les membres de son cabinet ont été installés les 12 et 13 juin 2024. La formation de ce gouvernement, qui comprend à la fois des visages nouveaux et des fonctionnaires promus, a donné lieu à d’âpres négociations. Cependant, certaines nominations ont suscité des protestations, en raison de préoccupations concernant les qualifications et l’engagement des personnes nommées. Conille a formé un gouvernement inclusif avec des femmes, des jeunes et des membres de la diaspora, tenant ainsi partiellement sa promesse. Les postes clés sont occupés par des personnes ayant une expérience internationale, ce qui souligne l’influence de la communauté internationale en Haïti. Malgré les imperfections du cabinet, les citoyens sont soulagés de voir un nouveau leadership, espérant des actions concrètes pour relever les défis du pays. M. Conille s’est engagé à lutter contre les gangs, à restaurer l’autorité de l’État et à reprendre le contrôle des « territoires perdus », ce qui lui a valu le soutien de la communauté internationale. Il doit également s’attaquer d’urgence à la crise humanitaire, qui touche plus de 500 000 personnes déplacées. Le gouvernement doit se réorganiser et se reconstruire rapidement pour redonner de l’espoir sans répéter les erreurs du passé.
Après la prestation de serment de M. Garry Conille, choisi comme nouveau premier ministre en Haïti, tous les membres composant son cabinet ont été installés dans leurs postes les 12 et 13 juin 2024. Les négociations ont été rudes pour former ce gouvernement et certains groupes politiques partis prenantes de l’accord qui a donné naissance au Conseil Présidentiel de Transition (CPT) qui dirige actuellement les destinées du pays en sont sortis insatisfaits et n’ont pas participé. Leurs griefs : cette tendance constatée chez des groupes politiques de vouloir considérer l’octroi des portefeuilles ministériels comme une forme de « partage de gâteau », alors que ce n’est pas ce qui avait été accordé entre les partis. Le Bureau de Suivi de l’Accord Montana (BSA) a informé dans une note publique qu’il n’a pas été associé ni de près ni de loin à la formation de ce gouvernement et il critique la démarche qui n’a pas respecté les ententes prises antérieurement. Cependant, le représentant d’une association participant à l’Accord de Montana, a été promu comme Ministre de l’Education Nationale, de la Culture et de la Communication et semble bénéficier du support de plusieurs membres de cet accord.
Ce nouveau cabinet est composé de 14 ministres, dont 4 femmes. Dans un premier temps, M. Conille avait voulu réduire le nombre de ministères, pour selon les dires, économiser des ressources. Certains secteurs ont dû se battre pour obliger au maintien de leurs ministères. Ce fut le cas pour les femmes et l’Environnement. La fusion de ministères n’a donc pas eu lieu comme annoncé, cependant, trois ministres assument au moins deux portefeuilles.
Du neuf et du vieux
Dans ce gouvernement, l’on retrouve de nouvelles têtes, mais aussi des cadres de ministères qui ont bénéficié de promotion. C’est le cas pour la ministre des Affaires Etrangères et des Cultes qui représentait Haiti à l’UNESCO et dont le plaidoyer avait valu l’inscription de la Soupe Joumou, ce plat traditionnel haïtien consommé particulièrement le premier janvier, jour de l’Indépendance du pays, au patrimoine de l’humanité. Mais certaines nominations ont carrément fait jaser et ont même soulevé des protestations et des inquiétudes fondées. C’est le cas pour le Ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement. Selon les commentaires qui pleuvent sur les réseaux sociaux, les personnes choisies ne sont pas à la hauteur de ces importantes tâches qu’on leur confie, car elles sont connues pour leur manque d’engagement envers les secteurs dont elles ont la responsabilité. D’autres encore sont critiqués pour leur manque d’expérience ou selon certains de compétence.
Le premier ministre Garry Conille a maintenu pour lui le poste du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales. Certains se demandent, avec toutes les autres responsabilités qu’il a, comment va-t-il faire pour diriger cette importante structure chargée, entre autres, des collectivités territoriales ? M. Conille avait promis de faire un gouvernement inclusif dans lequel participeront des femmes, des jeunes et des membres de la diaspora. Il semble avoir plus ou moins respecté cet engagement, car on retrouve effectivement dans son cabinet quelques jeunes, quelques femmes et des gens issus de la diaspora. La communauté internationale très influente dans la politique haïtienne ne semble pas être en reste, car le poste des finances couplé à celui de la coopération externe est entre les mains d’une ancienne cadre du Fonds Monétaire international et de la Banque Mondiale. Le premier ministre lui-même est un ex-dirigeant des Nations-Unies. Il était tout récemment le représentant régional de l’UNICEF pour l’Amérique Latine et les Caraïbes et a dû quitter ce poste après sa nomination pour venir prendre siège comme premier ministre haïtien.
Des tentatives ont été faites pour reconduire quelques ministres du gouvernement sortant, notamment le Ministre de l’Education Nationale, M. Nesmy Manigat. Mais les protestations ont été nombreuses et le premier ministre semble avoir rétracté. Mais autour de lui l’on remarque des têtes bien connues des anciens régimes du PHTK de Joseph Martelly et d’Ariel Henry. Ils seront peut-être au cœur de la cuisine, donc encore plus influents que jamais
C’est au pied du mur qu’on reconnait le vrai maçon
Malgré ces imperfections dans la constitution de ce cabinet ministériel, les citoyens et citoyennes sont soulagés de voir de nouveaux visages au plus haut sommet de l’Etat et le retrait des personnages ayant siégé aux côtés de l’ex-premier Ministre Ariel Henry très décrié et sous le gouvernement duquel l’État haïtien s’est complètement effondré. Maintenant, tout le monde attend des actions concrètes pour commencer à sortir du tunnel où les groupes armés ont plongé le pays. M. Garry Conille a déjà fait en ce sens plusieurs promesses, dont celles de mettre les gangs hors d’état de nuire, de restaurer l’autorité de l’Etat, de reprendre le contrôle des « territoires perdus » et de permettre à la population de respirer. Il semble bénéficier du soutien de la communauté internationale dont plusieurs ambassadeurs influents ont été remarqués à la cérémonie de son installation. Ils lui ont tous souhaité du succès et se disent impatients de pouvoir travailler avec son gouvernement.
M. Conille et son équipe bénéficient donc d’un moment de grâce et il est important qu’il l’utilise bien. Le premier et grand défi auquel il doit rapidement se colleter est celui de l’insécurité. Il n’a pas encore en mains tous les leviers indispensables pour aborder un tel dossier et les gangs continuent d’imposer leurs lois. Le lundi 11 juin, ils ont massacré une dizaine de civils dans un quartier populaire de Port-au-Prince et le weekend avant, ils avaient assassiné trois policiers, incendié un char blindé et saisi plusieurs armes qui s’y trouvaient. La Police Nationale a perdu de nombreux membres et elle est très affaiblie moralement face aux échecs répétés de ses interventions contre les gangs. La force Multinationale de Sécurité, avec à sa tête le Kenya, qui devrait lui venir en aide, tarde à se déployer en Haïti, malgré les nombreux vols (autour d’une centaine) d’avions militaires américains venus à Port-au-Prince pour dit-on « apporter du matériel non létal en préparation à l’arrivée de cette force ». Entretemps, la révocation ou la démission du directeur général de la Police, M. Frantz Elbé, est constamment réclamée tant par les syndicats de policiers, par des organisations de la société civile que par le grand public.
Le deuxième grand chantier qui attend le nouveau gouvernement est celui de cette crise humanitaire avec des milliers de personnes déplacées qui ont perdu leurs maisons, leurs moyens d’existence, leurs entreprises, leurs espaces de travail. Selon les derniers chiffres publiés par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM), le nombre de déplacés en raison de l’insécurité en Haïti a déjà atteint plus de 500,000 personnes. Plusieurs régions du pays sont en train de dénombrer la quantité de déplacés réfugiés chez elles. Ce grand mouvement de populations a de graves conséquences sur les infrastructures disponibles dans ces zones et sur la paysannerie qui doit accueillir de nombreux proches.
Comment reconstituer ou réorganiser tout cela rapidement pour permettre aux gens de recommencer à espérer, sans pour autant reproduire les mêmes conditions qui ont permis le déploiement des groupes armés dans toute la capitale ? On attend donc des signes concrets.