La terre a de nouveau tremblé en Haïti le samedi 6 Octobre 2018. Cette fois-ci, ce n’est pas à Port-au-Prince la capitale, comme ce fut le cas en janvier 2010, mais plutôt dans le grand Nord. Une secousse de magnitude relativement faible (5.9 sur l’échelle Richter), mais à une faible profondeur (15 kilomètres), a causé pas mal de dégâts. On dénombre une quinzaine de morts, plus de 300 blessés, des dizaines de maisons détruites ou endommagées, et surtout une population en panique qui craint à tout moment un nouveau séisme plus puissant.
Naturellement, Haïti est une terre exposée à différents aléas de la nature, notamment les cyclones et les tremblements de terre. Chaque année entre juin et novembre, c’est la saison des cyclones et le passage de certains causent généralement au pays de grandes souffrances et des pertes incommensurables.
Avant le grand tremblement de terre de 2010, les haïtiens avaient un peu oublié qu’ils vivaient sur une terre fragile, écorchée de toute part par des failles continentales, mais aussi par des failles internes qui pouvaient s’activer à tout moment. Les structures de protection civile parlaient surtout de cyclone, d’inondations et de sécheresse, mais peu de cas était fait au séisme. Pourtant, le pays a connu dans son histoire de grands tremblements de terre. Le Cap-Haitien dans le grand nord a été déjà détruit en 1842 et a même connu un tsunami. Plusieurs autres villes du pays ont souffert dans le temps de séismes, mais ces histoires ont été jetées aux oubliettes, avec le temps qui passe. L’Etat tout comme les citoyens et citoyennes oublient qu’ils vivent sur une terre fragile et que des comportements appropriés sont nécessaires pour éviter les catastrophes. Il s’agit là d’une question de responsabilité citoyenne et collective et non une fatalité.
Le goudou goudou(c’est le nom donné au tremblement de terre par la population) de ce début d’octobre 2018 est venu rappeler à l’ordre le peuple haïtien. Si Haïti ne peut pas changer sa localisation géographique(elle est située à proximité de deux plaques tectoniques continentales), ses dirigeants et sa population ont la responsabilité d’adopter en permanence des mesures et comportements qui permettent de vivre avec ces réalités sans trop de risques. Cela signifie tenir compte de sa géographie, de la structure de la terre qu’on habite en y accommodant les constructions, les infrastructures, les comportements… Cela requiert une gouvernance des risques.
Les différentes catastrophes que Haïti a vécu au cours des dix dernières années ne sont pas naturelles, mais le résultat d’un problème de gouvernance et de responsabilité citoyenne. Peu de mesures ont été prises après le tremblement de terre de janvier 2010 : pas de politique publique en matière de production de logements, pas de structures fortes pour contrôler les constructions, pas d’aménagement du territoire pour déterminer où et comment construire. Malgré les nombreuses pertes en vies humaines(plus de 230,000 morts) et en biens matériels, l’Etat haïtien ne s’est pas doté de moyens pour mieux contrôler le développement des villes. Tous les secteurs n’ont pas encore intégré dans leur fonctionnement une politique de gestion des risques. Certes, il y a eu quelques actions de sensibilisation pour expliquer aux populations quelle attitude adoptée en cas de tremblement de terre ; ici et là, des individus ont fait l’effort de respecter des normes parasismiques en érigeant des bâtiments. Mais ces initiatives demeurent faibles, très limitées et isolées. Les moyens pour mettre en pratique les consignes, pour faire respecter les normes, sont inexistants. Espérons que ce nouveau tremblement de terre qui a frappé surtout le Nord’Ouest d’Haïti contribue à réveiller les consciences des citoyens et celles des dirigeants de l’Etat sur la nécessité de travailler au développement d’une culture de gestion des risques en Haïti afin d’éviter que les aléas naturels ne se transforment à chaque fois en catastrophe.