Au cours des derniers décennies les ONGs ont été critiquées du fait d’un manque de responsabilité et d’avoir un déficit démocratique. La question de l’effectivité et l’efficacité de l’aide des ONGs a aussi été posée. Au moment de la commémoration du 5ème anniversaire du tremblement de terre en Haïti les médias ont repris ce ton critique vis-à-vis des ONGs. L’examen s’est concentré sur le manque d’appropriation haïtienne des projets humanitaires et de reconstruction, l’aide au développement en contournant l’État haïtien et la dispersion des efforts de reconstruction.
Cinq ans avant le tremblement de terre, en 2005, l’OCDE[1] avait adopté la « Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide » comme une stratégie afin d’améliorer l’efficacité de l’aide, en se concentrant sur les mêmes points qui apparemment ont été négligés par les ONGs : l’appropriation, l’alignement et l’harmonisation.
Parce que j’étais curieuse de savoir dans quelle mesure les ONGs internationales impliquées dans les efforts de reconstruction se conformaient à ces principes, et dans l’espoir de comprendre de quelle façon l’actuel système d’aide appuie (OF soutient) ou fait obstacle au respect de ces principes, j’ai décidé d’écrire ma thèse sur ce sujet. J’ai réalisé une étude de cas comparative sur trois membres d’Eurodad[2]. Après une analyse des projets appuyés ou exécutés par ces ONGs en Haïti, de leur structure institutionnelle et leur façon de travailler, et après avoir interviewé des experts dans les domaines de l’aide au développement, politique publique, journalisme, et suivi et évaluation, je suis arrivée à la conclusion que ces ONGs se sont au mieux seulement conformées partiellement aux Principes de Paris.
Apparemment le principe d’”harmonisation” était le plus difficile à mettre en pratique. D’autre part, le principe « appropriation» figurait parmi les priorités les plus élevées des ONGs et pourrait être observé en pratique. Mon analyse de l’actuel système d’aide a donné quelques éléments qui expliquent les difficultés des ONGs de se conformer aux Principes de Paris. Des changements dans le panorama d’aide (par exemple la concurrence croissante entre les ONGs pour obtenir un financement gouvernemental), les limites intrinsèques de la Déclaration de Paris (après tout, un accord entre des gouvernements OCDE) et le contexte haïtien difficile après le tremblement de terre (État faible, épidémie de choléra, pauvreté généralisée) ont tous entravé les efforts des ONGs de s’ajuster aux politiques gouvernementales, d’impliquer la population locale et de coordonner leurs activités.
Le changement de source de financement hors des gouvernements nationaux a forcé les ONGs à diversifier leur financement, se tournant de plus en plus vers l’Union Européenne et des appels d’offre publiques. La réduction des fonds à long terme et stables a augmenté la concurrence entre les ONGs. Cela limite les efforts d’harmonisation, parce que chaque ONG veut se distinguer des autres et montrer son approche unique. Une autre conséquence du changement des fonds est la préférence de l’aide humanitaire sur l’aide de développement. La réaction de beaucoup d’ONGs de développement a été de diversifier sur l’aide humanitaire. La nature à court terme de l’aide humanitaire ne permet pas vraiment la mise en œuvre des principes de propriété, alignement et harmonisation.
Au début, les ONGs ne désiraient pas vraiment s’adhérer à la Déclaration de Paris, déclarant qu’elles n’étaient pas impliquées dans le processus de la formulation des principes. Les ONGs n’étaient pas intéressées à assumer la responsabilité additionnelle de rapporter sur la réalisation des principes, comme DeBoer, une des personnes interviewées, a indiqué : » inévitablement cela fournira du travail supplémentaire. »
Bien sûr il y avait des circonstances atténuantes dans le cas d’Haïti. La fragilité de l’état et la faiblesse de l’état de droit, plus spécifique dans le domaine de la propriété foncière a causé des obstacles à ce qui concerne le principe d’alignement. Deuxièmement, l’épidémie de choléra a poussé beaucoup d’ONGs à fonctionner « en mode inverse » et retourner de nouveau à l’aide humanitaire, perdant les progrès obtenus sur l‘appropriation’. L’approche par groupe, bien que favorisant l’harmonisation, a créé des obstacles à l’appropriation haïtienne parce que cette approche a favorisé la coordination entre les bailleurs de fonds et les exécutants de programmes anglophones.
Je recommande aux ONGs de créer une charte comme la Déclaration de Paris, de et pour des ONGs, comme un système d’autoréglementation basé sur la pression des pairs, qui pourrait améliorer leur légitimité comme aussi leur responsabilité. Deuxièmement, il faut que les ONGs commencent en priorité à rapporter ouvertement, selon l’Initiative internationale pour la transparence de l’aide (IATI). De cette façon, tout le secteur pourrait devenir plus transparent et responsable au public, bénéficiaires, circonscriptions et bailleurs de fonds. Finalement, les gouvernements donateurs devraient continuer à travailler vers des accords d’aide plus obligatoires et utiliser leur influence sur les ONGs insistant pour respectent les principes de Paris quand des fonds gouvernementaux sont canalisés à travers des ONGs.
Comme Kwakkenbos, l’une des personnes interviewées a constaté sur la montagne russe de la prestation d’aide en Haïti, et je suis tout à fait d’accord avec lui : »J’espère que les différents groupes impliqués peuvent utiliser le cas haïtien comme une expérience instructive, bien que ce soit une expérience instructive très chère tant en termes de souffrance humaine qu’en montants dépensés. »
Naomi Gilhuis a terminé ses études européennes à l’université de Leiden (La Haye) en 2016. Elle a écrit son thèse sur la reconstruction en Haïti après le séisme en analisant comment les ONGs ont pris en compte les Principes de Paris.
Mail: naomigilhuis@hotmail.com
LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/naomi-gilhuis-42401670?trk=hp-identity-name
[1] L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques
[2] Un réseau de 49 organisations non-gouvernementales de 19 pays européens