CARDH (Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme) CEJILAP (Commission Episcopale Nationale Justice et Paix) CRESFED ( Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement) POHDH (Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains) RNDDH (Réseau National de Défense des Droits Humains) SKL (Sant Karl Levêque)
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Les organisations de défense des droits humains, signataires de la présente note, sont vivement préoccupées par la détérioration de la situation socioéconomique et politique du pays, caractérisée, depuis le 7 février 2019, par : l’instauration d’une grande frayeur alimentée par une situation de tension, des manifestations des rues, des assassinats, des personnes portées disparues, des blessées par balles, des actes de pillage et d’incendie de véhicules et d’entreprises…
A l’occasion du deuxième anniversaire de l’accession du Président Jovenel Moïse au pouvoir, le 7 février 2019, la population a décidé d’investir les rues pour cracher sa colère et demander son départ, en dénonçant, entre autres : la hausse systématique du prix des produits de première nécessité, la dévaluation accélérée de la monnaie nationale ; la pauvreté abjecte dans laquelle elle patauge ; le gaspillage de ses faibles ressources ; la mauvaise gestion des deniers publics ; l’arrestation des dilapidateurs des fonds Petrocaribe, évalués à plus de 4 milliards de dollars américains et la saisine de leurs biens, incluant M. Jovenel Moïse, dont le nom figure dans le rapport d’audit du 31 janvier 2019 de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) comme l’un des actionnaires des compagnies COPHENER et AGRITRANS ; la non-tenue des promesses de campagne du Président. Dans plusieurs départements du pays, des citoyens sont tués par balles et d’autres sont blessés dans des conditions inacceptables. A titre d’exemple : · Dans le département du Nord, plus précisément au Cap Haïtien, le révérend père Joachim Roboham Armantua est mort asphyxié par des gaz lacrymogènes. · Dans l’Artibonite, aux Gonaïves, au moins deux (2) personnes, Diamond Augustin et Ecclésiate Libéral alias Ayito, ont été tuées et dix (10) autres blessés. · Dans le département du Centre, à Mirebalais, Darline Lubin, une jeune femme, a été écrasée par un camion après que des policiers lui auraient éxigé d’enlever des barricades érigées par des manifestants ; dix (10) personnes ont été blessées et deux (2) autres ont eues des complications respiratoires. · Dans l’Ouest, plusieurs personnes ont été tuées par des agents de la PNH, dont Thelusma Baggio, un adolescent de 14 ans tombé sous les yeux de sa mère. |
Les organismes de droits humains, signataires de cette note, sont consternés par ces décès tragiques qui constituent une violation flagrante du droit à la vie et exigent que la lumière soit faite sur les circonstances de ces assassinats.
Les organisations de droits humains réaffirment que les revendications de la population en colère sont justes et conformes aux principes régissant toute société qui se veut démocratique. Investi d’un mandat de cinq (5) ans et intronisé le 7 février 2017, le Président de la République a une obligation de résultats, principalement celle d’améliorer les conditions de vie de la population. Malheureusement, sa gestion catastrophique de la res republica aggrave considérablement la misère de la population. Il est donc légitime que cette gestion chaotique soit dénoncée.
Toutefois, elles regrettent que des biens aient été incendiés et/ou pillés et estiment que la population doit manifester son ras-le-bol dans le respect des droits de tous et de toutes.
De son côté, la Police nationale d’Haïti, doit rester professionnelle. Tout comportement contraire aux principes de l’institution doit être puni conformément à la loi, car il y aurait eu des exécutions ciblées. En outre, l’opposition politique, partie prenante de la crise, doit proposer des solutions claires à la nation pour une sortie de crise, car il ne suffit pas de soutenir les manifestations.
Enfin, ces organisations de défense des droits humains signataires de la présente présentent leurs condoléances aux familles éplorées et demandent aux protagonistes d’assumer leurs responsabilités, en trouvant une issue à la crise.
Port-au-Prince, 10 février 2019