Le 8 septembre 2015, un cargo allemand est venu prendre livraison au port du Cap Haïtien de 100 tonnes, la première cargaison de bananes biologiques haïtiennes – à destination de Hambourg en Allemagne. Le développement de la production de bananes pour l’exportation était un rêve de longue date mais a pris forme en septembre 2013. Environ un an plus tard a démarré à Trou du Nord, au Nord-Est, la préparation de 400 ha d’une plantation qui devra se développer jusqu’à 1’000 ha. En septembre 2015 a eu lieu la première récolte.
Une ferme de bananeraies comme zone de libre échange
AGRITRANS est le nom du plus grand projet agricole (agro-industriel plutôt) du pays, établi dans une zone de libre échange commercial. Cela veut dire qu’il ne faut pas payer de taxes pour s’y installer, qu’il n’y a pas non plus de frais douaniers ni d’impôts sur les investissement ou les revenus, et ceci pendant plusieurs années. Cela signifie aussi que 70% doit être destiné à l’exportation et que 30% est destiné au marché local. Jovenel Moïse est promoteur du projet (entretemps devenu candidat à la Présidence de l’Etat pour le parti actuellement au pouvoir) avec le gouvernement Martelly et avec l’appui du projet Américain HOPE[1]. Le gouvernement haïtien participe avec six millions de Dollars Américains à travers le Fonds de Développement Industriel. L’Etat haïtien a financé l’encerclement d’une zone de 1.000 ha pour la ferme de bananes et l’indemnisation de l’expropriation d’environ 3.000 petits paysans de la zone qui ont dû laisser leurs champs. Agritrans a le droit de disposer des terrains durant 25 ans et cette période peut être prolongée.
La plantation s’étend sur plus de 7 km ; une serre de 12’000 m2 sert pour la mise en terre des plantules qui viennent du Costa Rica et qui sont replantées sur le terrain ; un lac artificiel de 6 m de profondeur et de 7 millions de gallons soit 26.5 millions de litres permet d’arroser la plantation. Une production d’environ 50’000 tonnes de bananes organiques a pu se réaliser avec la firme Allemande Port International et grâce à la collaboration d’une organisation européenne de certification des bananes organiques l’exportation vers l’Europe
Nouvelle source de création d’emplois ?
L’expertise pour la ferme vient essentiellement de l’étranger. Un seul agronome y fait son stage. Le système d’irrigation est l’œuvre d’experts Israéliens, le drainage est réalisé par des Cubains, les mécaniciens sont dominicains. L’ingénieur est un Péruvien formé en Israël. En février 2015, l’initiative a générés 600 emplois divisés entre agents de sécurité, mécaniciens, topographes, ingénieurs agronomes, épidémiologistes et ouvriers agricoles. On espère une extension des emplois dans le futur. L’Université de Limonade, située dans la zone, est intéressée à installer une pépinière de bananes. Et l’ancien ministre d’agriculture, Thomas Jacques, a informé que cinq autres entreprises ont déjà montré de l’intérêt pour installer des plantations dans la zone sur environ 3.000 ha.
Il faut encore des investissements et la mise au point d’un centre de conditionnement pour préparer et emballer la banane ainsi qu’un terminal pour faciliter son exportation. Ce sont des priorités pour les mois à venir, disait Jovenel Moïse en février 2015. Entretemps il a d’autres grandes (pré)occupations et a remis les responsabilités à un nouveau directeur qui met plein d’énergie pour le projet.
Et les paysans de la zone ?
La partie de la zone non encore utilisée pour la plantation est exploitée par les paysans de la zone pour le pâturage de leurs vaches. On prévoit de clôturer 10 ha à utiliser pour l’élevage des vaches par les paysans, et le fumier servira de compost pour les terres de la plantation.
Aspect important du projet : l’implication des organisations paysannes locales. Les 3’000 paysans qui ont été expropriés sont encouragés à renforcer leurs organisations paysannes. Huit associations paysannes se sont groupés en une fédération. Ils ont reçu des outils et des moyens pour préparer le terrain de plantation. Agritrans les considère comme ‘actionnaires’, pour 20% du capital d’investissement. Les investisseurs possèdent 80% des parts. Les paysans ont un double rôle : ils sont actionnaires pour 20% et ont donc droit à des dividendes soit une partie des bénéfices, et en plus ils sont aussi travailleurs de la ferme/entreprise. Nous n’avons pas d’information sur le salaire des paysans.
Après plus de 50 ans, Haïti exporte donc à nouveau des bananes vers l’étranger. Une initiative intéressante et tout le monde espère qu’elle apportera une meilleure vie pour les paysans locaux et ne bénéficiera pas uniquement aux investisseurs et vrais propriétaires de l’entreprise. Certains disent que le bénéfice de l’exportation devra servir pour rembourser les emprunts de Petrocaribe (le pétrole importé du Venezuela à des conditions privilégiées). Si l’initiative améliorera véritablement la situation économique des paysans haïtiens, nous le saurons dans quelque temps.
Le projet Agritrans cadre dans toute une série de grands projets stratégiques pour stimuler la croissance et le développement économique du Nord-Est.
Il s’agit entre autre du Parc Industriel Caracole qui a déjà généré 4’000 emplois, là où on espérait 60.000 emplois pour 2016 ; le campus universitaire de Limonade, financé par la République Dominicaine ; du micro-parc agro-industriel de Saint Raphael pour la production de riz et de légumes ; d’un plan de développement d’infrastructure à potentiel historique et touristique dans la zone ; et d’un service d’appui régional pour des entreprises.