Adopté le 22 février 2021
La Coordination Europe-Haïti (CoEH) appelle, par le présent communiqué, l’Union Européenne et ses Etats-Membres à prendre leur distances par rapport à M. Jovenel Moïse, détenteur illégal du pouvoir en Haïti depuis le 7 février 2021, date prévue de son départ par la Constitution.
Nous partageons le point de vue selon lequel, depuis le 7 février 2021, Jovenel Moïse exerce un pouvoir illégal. En effet, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire a déclaré constater la fin du mandat constitutionnel de Jovenel Moïse. Malgré cela, contre l’avis de juristes, de la Fédération des barreaux d’Haïti, de la conférence épiscopale catholique, de diverses organisations du secteur protestant, de médias, de syndicats, de mouvements féministes, des petrochallengers, de l’opposition politique et d’une grande partie de la société civile haïtienne, Jovenel Moïse s’accroche fermement au pouvoir et enfreint éhontément les règles du jeu démocratique. Il est prévu dans la constitution que les mandats des membres du parlement et du président débutent le 7 février de l’année électorale et non le jour où ils prêtent serment. C’est en suivant ce principe constitutionnel que Jovenel Moïse avait par ailleurs déclaré la caducité du parlement il y a un an, devenant ainsi le seul maître à bord et gouvernant depuis par décret. Ainsi Jovenel Moïse refuse de se soumettre aux principes de la Constitution de 1987 et aux dispositions de la loi électorale. Il prétend rester un an de plus le temps d’organiser un référendum constitutionnel et des élections. Le parti au pouvoir fait tout pour prolonger son règne, en dépit du mécontentement de la grande majorité de la population. D’aucuns évoquent déjà le retour de la dictature de type duvaliériste dans le pays par la volonté de Jovenel Moïse de gouverner à sa guise.
Alors que le gouvernement a déclaré qu’un coup d’Etat était orchestré à son encontre et que Jovenel Moïse aurait échappé à une tentative d’assassinat, tout mène à penser que les arrestations arbitraires qui eurent lieu le 7 février (une vingtaine de personnes ont été arrêtées et humiliées) et la mise en retraite anticipée par décret présidentiel des juges de la cour de cassation, potentiels prétendants à un gouvernement de transition, ne sont qu’une vaste opération du gouvernement pour installer définitivement un pouvoir autoritaire en Haïti.
Malheureusement, ce président reste aujourd’hui au pouvoir parce qu’il est soutenu par la communauté internationale ainsi que par des gangs armés qui sèment la terreur parmi la population. Le peuple haïtien qui s’est insurgé depuis 2018 à maintes reprises contre ce pouvoir se sent abandonné par les Etats et les organisations internationales, pourtant férus de principes démocratiques et de défense des droits humains. L’indifférence de la communauté internationale est devenue aujourd’hui complicité avec un pouvoir qui engendre une grande pauvreté, la violence des gangs, l’insécurité alimentaire, des inégalités croissantes, la corruption, etc..
La CoEH dénonce et condamne le soutien du Core Group à Jovenel Moïse. Les Nations-Unies, ainsi que d’autres membres de la communauté internationale, ont accepté le calendrier électoral et donc le maintien au pouvoir de M.Jovenel Moïse malgré la constitution, malgré la démocratie, malgré les mobilisations populaires. Le BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) a déclaré qu’il apporterait un appui technique, opérationnel et financier à l’organisation du référendum et des élections.
Face à une telle situation, la CoEH demande à l’Union Européenne et ses Etats-membres :
- De cesser immédiatement de soutenir le régime autoritaire et inconstitutionnel de Jovenel Moïse.
- De dénoncer les violations constantes des droits humains faites par l’Etat haïtien et de réclamer que justice soit faite pour les crimes et massacres perpétrés par les gangs armés avec la complicité d’autorités publiques.
- De ne pas encourager le processus électoral voulu par M. Jovenel Moïse, au mépris du peuple haïtien. Des élections réalisées dans de telles conditions pour créer une apparence de légitimité risquent d’exacerber les tensions et la violence dans le pays, de renforcer la corruption et d’anéantir les efforts déployés depuis au moins 1986 pour l’installation d’un régime démocratique en Haïti.
- De renforcer et d’écouter la société civile haïtienne qui propose des alternatives depuis plus de deux ans, allant dans le sens d’une transition démocratique ouverte, plurielle et inclusive.
Pour la COEH,
Claude Mormont
Coordinateur