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Édition spéciale /  novembre 2017

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Plaidoyer pour une politique publique en faveur de l'agriculture familiale paysanne en Haïti

En marge de la journée Mondiale de l’Alimentation, de la femme paysanne et du Refus de la Misère, des organisations paysannes haïtiennes, des institutions d’encadrement évoluant dans le domaine agricole et dans la promotion du Droit à l’Alimentation ont organisé conjointement, le 11 Octobre 2017,  une conférence de presse pour présenter un ensemble de propositions devant soutenir  une politique publique favorable à la redynamisation de l’agriculture familiale paysanne en Haïti.  Les idées contenues dans ces propositions sont le fruit d’une série de réflexions appuyées par des documents de recherche que ces groupes (la plupart partenaires des membres de la COEH),  ont réalisés depuis mai 2017 en vue de se positionner sur les initiatives des dirigeants actuels en Haïti  qui déclarent vouloir relancer le secteur agricole.

En effet, quelques mois après son arrivée au pouvoir, le président Jovenel  Moise, a lancé un programme dénommé « Caravane du changement » à travers lequel il prétend mettre en branle un processus de développement d’Haïti.  Il a initié sa « caravane » dans la Vallée de l’Artibonite, haut lieu de production rizicole en faisant curer quelques kilomètres de canaux d’irrigation sans présenter à la nation  ses objectifs et stratégies pour le secteur agricole en général, alors que l’agriculture se pratique tant les montagnes que dans les plaines.   En considérant les nombreuses ressources mobilisées (plus de 3 millions de dollars américains et une machinerie lourde), des organisations évoluant dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage se sont dit inquiètes du gaspillage qui résultera de cette initiative si des orientations claires ne sont pas données.  En conséquence, elles ont décidé d’être pro-actives et  ont préparé une proposition de politique publique dans le domaine agricole qui devrait servir de guide aux décideurs politiques.

Le document de propositions prend fermement position en faveur de l’agriculture familiale paysanne, qui représente la base du système agricole haïtien et critique les orientations de la caravane du gouvernement Moise/Lafontant :  «Nous  prenons la parole pour défendre l’agriculture paysanne familiale qui est la base du système agricole en Haïti. Nous prenons la parole pour critiquer l’action du gouvernement Moise/Lafontant qui dit vouloir relancer l’agriculture du pays avec une stratégie qui s’appelle « caravane du changement »,  qui consomme beaucoup d’argent, sans que personne ne  comprenne comment cette initiative puisse  avoir des impacts positifs sur l’agriculture haïtienne qui se pratique tant dans  les mornes que dans les plaines », ont-elles déclaré dans une note remise à la presse à l’occasion de cette conférence.

Les organisations insistent sur la nécessité pour le pays d’adopter une politique agricole claire qui viserait les cinq objectifs suivants:  1. le renforcement de la souveraineté alimentaire du pays ; 2.  la transformation des jardins traditionnels en un système agro-écologique plus durable et plus rentable pour les paysans ;  3. la sécurisation des exploitations agricoles par la mise à  disposition des paysans de plus de terre pour l’agriculture, de l’encadrement technique et des ressources additionnelles nécessaires;  4.  la protection de l’environnement et  l’aménagement des zones dégradées ; 5.  la valorisation de l’agriculture et l’adoption de stratégies pour encourager  les jeunes à investir dans le secteur  et à continuer à vivre en milieu rural.

 L’agriculture familiale paysanne est aujourd’hui en crise et a besoin d’être réformée, reconnaissent les organisations.  Cependant, elles sont en désaccord avec  la position de certains détracteurs qui réclament la disparition pure et simple de ce système sans proposer d’alternatives.  Elles se demandent si la stratégie de l’actuel gouvernement  dans une plaine comme l’Artibonite vise à favoriser l’agriculture d’exportation comme ce fut le cas dans le passé au détriment du système agricole national. 

Se basant sur plusieurs études réalisées dans le domaine, le texte  fait ressortir le rôle qu’a joué l’agriculture familiale paysanne dans l’histoire d’Haïti et son  importance encore aujourd’hui dans l’économie, la santé, la culture etc.  « Bien que les paysans et paysannes haïtiens travaillent dans des conditions très difficiles, ils arrivent encore à produire presque la moitié de la quantité d’aliments  nécessaires pour nourrir le pays et leur travail représente un quart (25%) du Produit Intérieur Brut (PIB) »[1] , fait ressortir le texte qui critique les politiques néolibérales anti-paysannes menées par l’Etat et qui ont contribué à l’approfondissement de la crise du milieu rural haïtien et à une dépendance accrue du pays de l’importation alimentaire.  « Cette décadence de l’agriculture paysanne  est  le résultat d’un manque d’investissements  dans le secteur et surtout les conséquences de  l’application de politiques anti-paysannes  menées par les dirigeants haïtiens.  En effet,  l’Etat haïtien a choisi délibérément d’encourager l’entrée libre sur le marché national de produits étrangers subventionnés, facilitant ainsi une concurrence déloyale avec les produits cultivés par les paysans haïtiens qui eux, ne bénéficient d’aucun support », écrit le texte.   

L’agriculture familiale paysanne représente une grande force qui mobilise de nombreux secteurs, en premier lieu les paysans et paysannes, les éleveurs, les pêcheurs, et ensuite un ensemble d’autres acteurs, tels que les transporteurs, les institutions de formation, les structures de l’Etat tant nationales que locales, conclut le texte qui demeure ouvert à la signature de tout individu, organisation et institution, tant national qu’étranger qui se sente solidaire de la paysannerie haïtienne.

L’agriculture familiale paysanne est le système agricole que plus d’un million de familles du milieu rural haïtien pratiquent dans les mornes, dans les plateaux et dans quelques plaines, pour produire de la nourriture pour leur propre consommation et pour  alimenter les  marchés locaux et régionaux du pays.    C’est une agriculture très diversifiée, en majorité organique qui se pratique sur de petites parcelles, parfois sans encadrement technique.  

Suite à la conférence de presse qui a bénéficié de reportages de plusieurs médias haïtiens, les initiateurs ont planifié de rencontrer diverses organisations nationales et internationales qui sont concernées par les propositions, tels les Ministère de l’Agriculture, de l’Environnement, de l’Education ainsi que des bailleurs de Fonds comme l’Union Européenne dont l’un des axes du programme indicatif national (PIN) pour Haïti est la Sécurité alimentaire et la Nutrition.

Colette Lespinasse, facilitatrice Coordination Europe-Haïti 

[1] Cf, Ralph L. Beauvoir, La relance du secteur agricole : entre défis et opportunités,  Publié le 2015-07-28 : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/147898/La-relance-du-secteur-agricole-entre-defis-et-opportunites#sthash.0MmimqpJ.dpuf

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